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Le mobile money et son adoption pour une inclusion financière au Tchad

10 ans après son lancement au Tchad, le mobile money semble être à la traine quant à son adoption par les populations. 

Selon le dernier rapport de 2020 de l’ARCEPT sur le secteur, le nombre d’utilisateurs du service est en régression comparativement aux années 2015 et 2016. On comptait jusqu’en 2016 3,5 millions de clients inscrits, pour baisser jusqu’à 1,8 millions en 2018. Le chiffre à rebondit passant de 1,8 millions à 2,3 millions entre 2019 et début 2020. Cette croissance s’explique par le fait que la situation sanitaire COVID19 a obligé les populations à se faire enregistrer afin de limiter les contacts physiques avec les billets de banques. Toutefois ce chiffre ne représente que 27% des abonnés mobiles et 14% de l’ensemble de la population du Tchad.

En effet, il y’a une grande différence entre clients inscrits et clients actifs, et cet écart ne s’est pas véritablement amélioré depuis le lancement du service en 2012.  C’est donc en cela qu’il se pose la question de l’adoption du service par les populations.

Selon le même rapport de l’ARCEPT de 2020, sur les 2,3 millions de clients inscrits jusqu’ en fin 2020, on dénombre 176800 utilisateurs actifs. Sont appelés utilisateurs actifs selon les termes de GSMA, les clients qui font au moins une opération par mois. Ce chiffre représente 7,6% des clients inscrits et 2% des abonnés mobiles. En effet cette proportion n’a jamais dépassé 10% des clients inscrits depuis son lancement en 2012.

Conformément aux chiffres qui précèdent, nous constatons qu’il est bien vrai que le service est faiblement utilisé, et ce, 10 ans après son lancement dû principalement à son manque d’adoption par les populations. Les raisons rapportées s’expliquent par le manque d’investissement dans la distribution qui aurait rendu le service très peu attractif. Nous avons identifié à cet effet deux facteurs essentiels pour rendre plus attractive l’offre de service mobile money auprès des populations tchadiennes.

  • L’expériences client

La technologie USSD sur laquelle est adossé le service est l’une de technologies la plus compatible avec pratiquement tous les téléphones portables disponibles sur les marchés africains et pour ce faire mieux adaptée aux contextes africains. Toutefois au Tchad particulièrement, cette technologie semble être faiblement maitrisée.

En effet, la technologie USSD est semblable à celle d’envoi de sms. Pour ce faire, il apparait tout légitime d’évaluer les habitudes des utilisateurs de téléphone mobile par rapport à l’envoi de sms.

Selon le même rapport de l’ARCEPT sur le secteur, le nombre des utilisateurs sms se situe autour de 1,6 millions en fin 2020, cela représente environ 18,7% des abonnés mobiles. Une proportion d’environ 80,3% des abonnés n’a pas l’habitude d’envoyer de sms et cela réduit conséquemment la probabilité d’utilisation de la technologie USSD.

Le manque d’envoi de sms se justifie par le fait que la population tchadienne est très peu alphabétisée, à un pourcentage d’environ seulement 22% selon les données de la banque mondiale de 2018.

A ce qui précède, il est en effet très peu probable que l’offre du service soit attractive pour des abonnés qui ont des habitudes d’utilisation de la voix plutôt qu’à l’envoi des sms.

Il apparait essentiel de revisiter les stratégies et d’adapter les plateformes aux besoins et aux habitudes locales. 

Un sucess history de la finance digitale en Afrique de l’ouest Wave mobile money, a par exemple au Sénégal remarqué que les habitudes de certaines communautés rurales moins alphabétisées vont dans le sens de manipuler de moins en moins la technologie USSD. Ces utilisateurs étaient moins intéressés à l’offre et inactifs pendant un moment jusqu’à la mise à disposition par Wave mobile money des cartes QR qui leur permet d’accéder au service sans utilisation de l’USSD ni de smartphone. Aujourd’hui ces communautés utilisent couramment le service.

  • L’absence du multi-partenariat

Les intégrations à d’autres entités financières hormis les banques, telles que les compagnies d’assurances, de microfinance, ou encore les services marchands divers, etc, sont essentielles pour garantir la diversité des solutions de paiement aux personnes exclues du système financier classique.

La mauvaise perception du mobile money de son rapport avec la banque le rend plus confondu aux services bancaires. Or, le mobile money est une solution alternative au faible taux de bancarisation en Afrique.

Au Tchad, ce faible taux de bancarisation exclut une grande majorité des populations du système financier classique, laissant de nombreux opérateurs économiques en marge de l’économie formelle.

Le mobile money étant réputé en Afrique pour sa capacité à offrir de larges possibilités d’opérations aux personnes autrefois exclues du système financier, et ainsi contribuer à l’inclusion financière.

Il est de la responsabilité des décideurs de garantir un environnement favorable à l’émergence du service, offrir un cadre règlementaire adapté au contexte du pays pour le développement du service au bénéfice des populations. Il est aussi indispensable aux promoteurs du service de multiplier des partenariats avec l’ensemble des acteurs du tissu économique afin d’offrir de large possibilité de paiement à travers le service. Ceci augmentera l’attractivité du service auprès des utilisateurs, et garantira son développement. Cela nécessite toutefois une politique de commissionnement favorable.

Mbaiodjibey Ndadoum Eric

Consultant/Business strategy & mobile money development

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