A l’ère de la connectivité croissante, le mobile money émerge comme un catalyseur majeur de l’inclusion financière, transformant la manière dont les transactions et les échanges monétaires s’opèrent. Au coeur de cette revolution financière se trouvent des pays comme le Tchad, où le potentiel du mobile money à autonomiser les citoyens sur le plan économique est immense. Cependant, malgré cette opportunité, les bénéficiaires des programmes sociaux au Tchad se heurtent à des obstacles entravant l’adoption de cette technologie novatrice. Cet article explore les défis spécifiques entravant l’utilisation du mobile money dans le contexte des programmes sociaux, tout en proposant des solutions pour surmonter ces barrières et ouvrir la voie à une inclusion financière réussie.
Durant les 5 dernières années, on assiste à une progression significative des paiements effectués à travers le mobile money. Parmi ces paiements, les paiements groupés sont ceux qui ont connus le plus de croissance. Ils représentaient jusqu’en fin 2022 plus de 70% en valeur de l’ensemble des paiements, et environ 15% en volume. Le faible pourcentage en volume s’explique par le fait que les bénéficiaires des paiements groupés représentent une faible proportion de l’ensemble d’utilisateurs, mais par conséquent transfèrent des montants importants à travers le service. Les paiements groupés sont les transferts effectués par les ONG, les entreprises, les programmes d’appui aux personnes vulnérables ou l’Etat sur les comptes mobiles de leurs bénéficiaires.
Les programmes sociaux au Tchad et l'usage du mobile money
Au Tchad les projets comme PARCA, entendu projet d’appui aux réfugiés et aux communautés, financé par la banque mondiale, le programme d’appui à la lutte anti paludisme au Tchad (PALAT) financé par le PNUD, les partenariats entre l’Etat et les opérateurs pour le paiement des maitres communautaires et de nombreuses ONG utilisent régulièrement ce service pour payer leurs bénéficiaires.
Autrefois, les paiements à l’ordre des programmes sociaux étaient effectués au cash ou parfois par des personnes intermédiaires, et cela exposait les bénéficiaires à de nombreux défis. Du point de vue social, les bénéficiaires, exclus des systèmes financiers traditionnels sont privés de l’espoir de voir leurs conditions de vie s’améliorer une fois que les projets prennent fin. Aussi, les risques d’agression lors des paiements dus au caractère indiscret de ce type de paiement, les achats impulsifs, ou encore toutes pertes liées à la manipulation des paiements sont autant de facteurs qui peuvent mettre en insécurité les bénéficiaires des fonds sociaux.
Dans ce contexte, effectuer les paiements directement sur un compte mobile money des bénéficiaires sociaux permet de limiter tous ces risques, de favoriser leur inclusion financière et par conséquent réduire leur vulnérabilité.
Il est cependant important, de s’intéresser à l’usage qu’en font les bénéficiaires sociaux après leurs paiements pour favoriser leur inclusion financière. Car en général, les paiements reçus sont systématiquement retirés en intégralité des comptes mobile money pour ensuite être utilisés en espèce ; ce qui ne favorise pas leur inclusion financière. Pourtant le paiement des aides sociales par le canal du mobile money est une belle opportunité et un élément catalyseur de l’inclusion financière de cette couche exclue des systèmes financiers classiques.
Les raisons qui bloquent l’usage du mobile money par les bénéficiaires sociaux
En dehors de l’aspect lié à la sécurisation de leurs paiements, très peu de bénéficiaires sociaux sont informés des autres avantages liés à l’utilisation du mobile money. Les avantages comme payer les biens et services, s’acheter des forfaits, transférer de l’argent à leurs proches, payer leurs factures ou même épargner pour faire face aux imprévus sont moins perçus.
Il faut aussi noter que les bénéficiaires des fonds sociaux sont, pour la plupart, moins instruits. En général, il s’agit des femmes qui ne savent ni lire ni écrire ou qui sont très peu familiarisées avec les outils numériques. On note aussi le fait que la plupart des points marchands qui offrent la possibilité d’achat par mobile money ne correspondent pas le plus souvent au pouvoir d’achat de cette couche.
Des solutions à préconiser pour une inclusion financière réussie
Afin d’accélérer l’inclusion financière des bénéficiaires d’aides sociaux, les programmes doivent prendre en compte la communication de fond. Il s’agit d’adresser des communications de proximité adaptées à chaque couche dans un langage simple, direct ou même imagé si nécessaire.
Il faut ensuite initier un accompagnement renforcé, un coaching sur une courte période pour une meilleure compréhension du service et ses avantages afin de faciliter son adoption par les communautés. Il faut former et inciter les communautés à s’organiser en groupe d’épargne et de crédit. Cela doit aussi passer par une éducation financière et des formations pratiques sur l’utilisation des applications Fintechs en vigueur.
Enfin il faut que la politique nationale en faveur de l’inclusion financière soit incitative à la modernisation des autres services financiers tels que les assurances et la microfinance, afin de les emmener à développer des offres numériques adaptées à ces segments. Tout ceci ne peut être possible que dans un cadre formel bien règlementé qui garantisse la sécurité des utilisateurs et qui assainisse le secteur financier. Et en réalité, ce cadre existe. Il faut juste que le régulateur qui est l’Etat veille à sa mise en application afin de promouvoir l’inclusion financière des populations.
Mbaiodjibey Ndadoum Eric
Consultant, Financial inclusive & Mobile money development